GRENDEL

» Posted on 8 janvier 2011 in Lectures

John Gardner (1971) – Denoël-Lune d’Encre

La triste rage du Mal

Grendel est un monstre terriblement malheureux.  Sa vie est une farce tragique. Il en souffre et les hommes en pâtissent.

Pauvre Grendel : conscient de sa condition, lucide sur le sens de la vie, il n’a pas l’heur de se bercer d’illusion, comme ces Hommes du Nord qu’il espionne, qu’il terrorise et qu’il massacre. Bête immonde, il vit près de sa puante et décervelée mère, au plus profond de cavernes obscures (on y accède par les tréfonds d’un lac aux serpents de feu, c’est dire) et se frotte au monde dès qu’il en a l’occasion.De fait, c’est plutôt à différentes visions du monde qu’il se frotte. De la vision, naïve et enjouée de son enfance (monstrueuse mais enfantine quand même), à celles des hommes, bercés d’illusion, abreuvés d’alcool, abrutis de prières, pouilleux s’aveuglant d’insignifiant instants de gloire noyés dans l’éternité du néant. Au final, c’est dans cette manière de voir la vie que Grendel va s’enfoncer, guidé par l’esprit pervers du dragon : la vie n’est pas magique, la vie est comme elle est, on n’y peut rien, on ne peut même pas infléchir le cours des évènements, tout est déjà  écrit et de la façon la plus morne. Alors, privé des illusions des hommes auxquelles il aspirait autrefois, Grendel ne peut que ruminer sur ce que les Hommes lui renvoient : sa monstruosité.

L’humour en massacrant

Ses ruminations, il les ricane, il les geint et les soulage (à peine) en massacrant. Gardner peint là  l’âme d’un être hideux au dehors et très humain en son fond. Sans doute parce qu’on vit avec lui, et que son sens de l’humour, effroyablement noir et cynique, nous fait bien rire, tout comme ses appels au secours en direction de sa mère (« Maman ! Maman ! ») dès que ses affaires tournent mal.

Découvrir Grendel, c’est aborder l’envers de la mythologie Beowulf, ce  poème barbare anglo-saxon venu du VIIeme ou VIIIeme siècle, qui loue l’esprit et l’épée d’un guerrier hors du commun débarrassant expurgeant le monde du mal (dont fait partie Grendel, donc).

Un peu comme si Truman Capote avait réécrit le Seigneur des Anneaux, du côté de Sauron plutôt que de celui de Frodon ! Un pur régal, un monument d’écriture (les mots de Gardner donnent vie à un monde hanté, dantesque) et de réflexions philosophiques (lesquels philosophes se régalent vraiment, à lire absolument la postface de Xavier Mauméjean !). De la beauté, du rire et de l’horreur… un moment de vertige inoubliable.

Ce que vous rencontrerez dans Grendel

1- Ork le prêtre qui a parlé au Grand Destructeur.

2- Un Dragon qui vous parlera de l’Espace et du Temps.

3- Un bélier stupide et en rut.

4 – Différentes manières de croquer le viking.

5 – La pire humiliation qu’un Héros à Belle Epée puisse imaginer

6- Wealtheow, une reine si belle, si triste.

7- Des paysages grandioses, froids, sauvages et désolés, dans lesquels les hommes se débattent vainement.

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